C’est marrant comme on a appris à se mentir. A être sur la défensive dès qu’il s’agit d’émettre un avis sur un sujet qui fait débat. C’est à se demander s’il n’y aurait plus qu’une unique façon d’exprimer les choses tant la moindre spontanéité est devenue hors de propos. Exit, la petite pique acerbe qui hier pimentait nos échanges, le dérapage taquin qui jetait un voile sur l’amour que l’on porte à son prochain.
Nos discours ne sont plus éloignés des classiques auxquelles nous ont habituées une fois l’an les reines de beauté. Les entendre discourir de ces brillantes études qu’elles suivent en parallèle de leur métier de cintre et qui nous donne cet air béat tant qu’elles nous le servent en string et en talons aiguilles.
Dans le sillage de Miss América, nos laïus se sont ouverts à la compassion. Savoir parler des difficultés que traverse le monde : famine, guerres, sida et autre fléau est un gage pour qui brigue le respect de lui-même. Ce n’est pas rien, tant il semble légitime de considérer le cosmétique autour de nos blablas comme un acquis culturel. Un encrage si profond qu’il se manifeste même au cœur d’un embouteillage, lors de ces tête-à-tête que l’on a avec son rétroviseur.
Aux feux rouges, personne ne se risque plus à ronger ses ongles ou à se gratter les couilles en pensant à mal. Même chez soit, on continu à faire gaffe. Il n’y a plus que le sport pour s’en prendre plein la gueule. Et même là, le fairplay oblige à modérer ses propos, à retenir ses coups. A force d’adoucir les formulations qui heurtent le tendre, à lécher des culs jusqu’à plus soif, on fini par ne plus rien dire du tout, par ne plus rien faire non plus. Une hygiène d’autant plus impardonnable, qu’elle pique sa place à la fantaisie, traînée dans la boue depuis.
Prenez-ce mal rasé à l’écran, celui dont le brushing impeccable témoigne de la qualité des origines. Lorsqu’il parle d’un noir, il ne dit pas noir. Jamais. Il lui préfère Black, le terme est plus neutre car anglais. Un mot, lui-même employé en lieu et place de la locution personne de couleur. Choix malheureux dans la mesure où pas précis du tout, vu que le vert ou le bleu par exemple, sont également des couleurs. Rappelons enfin que c’est dans l’urgence de l’ère post coloniale, que l’expression personne de couleur est allée se substituer au nègre de jadis. Un effort à minima pour qui souhaite s’inscrire dans la foulée d’une France qui gagne, celle justement de nombre de nos médaillés olympique.
Dans cet esprit, le coquet du 20h citant une dépêche pourrait encore parler d’une « personne à mobilité réduite issue de la minorité visible qu’une déficience gêne terriblement dans son activité d’exploitant agricole… » Le genre de phrase qui te pousse à repasser ton certificat d’études, si tu veux entendre la suivante.
Alors dites-moi, où sont passés ces remueurs de merde qui faisaient péter le mixeur là où on le fait tourner à vide ? Molière, Reiser, Bukowski… heureux hommes, sur la langue desquels, la plus minable des piquettes a eu le goût d’un grand crû.
Il reste quoi de ces sourciers de la daube ? Un héritage qui a force d’être présenté comme il se doit a fini par se dessécher. Essayez donc d’être drôle en ne soulignant que les qualités de ceux qui vous entourent (famille incluse !) Ce seul argument devrait suffire à bannir l’idée même du politiquement correct dans les salons que devront tenir les générations à venir…
– Ô miroir, mon beau miroir… ai-je toujours la plus gosse ?
– Cher ami, la surcharge pondérale de ta queue est confondante. Cela dit…
Je l’aime beaucoup beaucoup celui -là !
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Et moi c’est toi que j’aime beaucoup 😉
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