Un jour, il n’y a pas si longtemps, j’ai fini par me laisser convaincre de vivre au présent. Résolution que j’ai mis des années à prendre, si tant est que ce soit bien de mon propre chef que je l’ai fait.
Sans doute ai-je muri davantage que prévu et sans m’en rendre compte ?
En tout cas, j’ai cessé de me lamenter sur le passé au motif qu’il n’est plus. De même, je n’ai plus peur des changements qui s’opèrent. Même si je me garde de chanter les louanges du seul présent tant je sais d’expérience que vivre pleinement l’instant n’exclu pas la déconvenue.
L’abondance de technologie et la promesse d’optimiser notre existence, ont fait de nous des otages. Des captifs certes consentant, mais néanmoins claquemurés dans ce micropucier qui nous contraint au syndrome de Stockholm.
Pour avoir délégués nos cerveaux à des systèmes d’exploitations externes, nous avons reçu l’assurance de désengorger l’espace intime de notre disque dur. Tout porte à croire que cet engagement a été tenu.
L’opération s’est faite si vite, qu’on en viendrait a penser que nos vies sont encore plus prévisibles qu’au temps ou l’imparfait préconisait l’usage du plomb. Un métal ô combien salutaire en milieu urbain vu l’intensité à laquelle sont soumis nos fusibles.
On ne peut que constater l’étendue des dégâts provoqués par un deal mal ficelé.
L’élargissement de notre champ de connaissances est une réalité mais son application fut brutale. Pour s’être vues décentralisées vers l’étranger, nos capacités cognitives sont au final, les grandes cocues de l’aventure. Et aucun syndicat n’y peut quoi que ce soit.
Pourquoi alors continuer de s’emmerder à acquérir un savoir au prix d’années d’efforts quand Wikimescouilles propose de faire briller le premier cancre venu pour rien ?
Il semble désormais évident que l’école ne fait plus que piller le meilleur de ce temps imparti aux Geeks que nous sommes. Un capital glandage que l’on pourrait consacrer à dépolluer ce qu’il nous reste de spontané.
Qu’il s’agisse d’ordinateur perso, de boite mail, de portable, de photo ou de vidéos, tous objets sensés faciliter notre existence, ne font quand on y regarde, que matérialiser la perte de nos repères.
Avant, on pouvait lire la poésie dans le texte et en comprendre le sens. On pouvait sentir la texture plus ou moins soyeuse d’une feuille sous sa main en y couchant de l’encre. Ou encore raturer, froisser, jeter une boulette de papier par dessus son épaule. Autant de menus plaisirs dont la suite Microsoft nous a privé.
Disparu aussi le charme désuet de ce billet que l’on décachète d’un geste sec au coupe papier à la manière d’un saint-cyrien sabrant un magnum. Finit cette douceur mise sous pli qu’un peu d’essence venait signer avant d’en confier l’acheminement à l’administration des postes.
Aujourd’hui, on a beau asperger son PC d’eau de toilette et le soumettre à des vapeurs d’encens, aucun stratagème olfactif autre que celui dégagé par vos aisselles, ne viendra traduire la délicatesse d’une lettre parfumée dans l’email qui vous arrive.
Et que dire de ces vacances prisent on ne sait plus où ? Ni avec qui ? Cela, au motif de ne les avoir vécues qu’à travers les œillères d’un objectif ? La télévision et sa profusion d’images acidulées nous manquent t-elles au point d’oublier de vivre sans retouches ?
Nos rapports sociaux sont-ils truffés de bugs ? Faut croire que oui…
Cependant le vrai cancer, le cheval de Troie de ce nouvel environnement, c’est le téléphone portable. Un ver indispensable à notre pomme qui, en moins de temps qu’il n’en faut pour faire un homme, est devenu l’instrument ultime de notre isolement.
Avant lui, on pouvait s’imaginer d’un ami dont on n’a pas de nouvelles, qu’il pouvait malgré tout penser à nous. Désormais, au lieu de ça, l’œil rivé sur son Smartphone, on s’impatiente et on peste, s’étonnant même d’avoir toujours un tel enfoiré parmi ses contacts !
Forcément, le progrès ça rend exigeant.
Certains « ex amis » ont la mémoire encore très vive malgré le temps qui passe et se souviennent toujours du temps jadis, pas besoin de disques durs tétraoctés où de caméras millionpixelisées, pour raviver le souvenir d’un regard, d’une voix, d’un rire, d’un instant partagé, aucun control+alt+sup ni fait, c’est gravé à jamais, je ferme les yeux ils sont là, je les ris, je les pleures, ils sont à moi, ils sont à nous, comme le dit la chanson, quand je pense à moi, je pense à toi… je pense à vous et mon tout dernier aïfone ni peut rien!
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