17. Faisons table rase !


Depuis ce Big-Bang – qui fait encore débat – on peut dire que la Terre en a eu pour son grade. Glaciations, dégels, contraction océanique, mouvement tectonique et plein d’autres mots en nique… Le plus étonnant est qu’elle en soit sortie à peu près indemne. Son secret ? Le temps qu’elle a eu à chaque fois pour se sortir de ces galères. Mère attentive, sa bonne Nature a su se mettre Chronos dans la fouille afin d’assoir les choses. Le reste n’étant qu’une question de patience.

Tout s’est donc déroulé selon ses plans jusqu’au jour où – décidément trop conne – elle a engendré un mauvais fils. Un glandu arrogant qui aura tant et si bien multiplié les investissements foireux, que c’est désormais sur une ardoise qu’il inscrit son avenir. De périodes industrielles en périodes de soldes, il a tout bazardé : matières fossiles, forêts primitives, espèces animales, océans, ciel et même l’espoir. Tel un parasite il a fait table rase de tout afin d’y stoker des poisons selon une pharmacopée nouvelle : décharges, engrais, farines animales, huiles de palmes, chlores, métaux lourds et j’en passe.

L’atmosphère de fin de série qu’il s’est attaché à créer a transformé le paradis qui lui était offert sur un plateau en une serre stérile où plus rien ne pousse. Ne s’y respirent plus que des gaz persistants : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, vaporette… Le merdier est tel que sous peu, c’est le chiotte tout entier qui menace de nous tomber sur la gueule. Aussi, histoire de tuer l’attente, ai-je décidé de la mettre à profit en tentant une petite expérience…

Que ferai-je si j’avais vingt-ans aujourd’hui ? Qui serai-je ? Vu comme ça, le sujet fait peur. Suis-je cette flaque de fuel qui agonise dans un arc-en-ciel ? Ce sol où les barbelés ont remplacés les arbres ? Ces lendemains aphones d’avoir trop chantés ? Où juste ce petit miracle contre nature dont rien ne dit qu’il se révèlera moins toxique que son père ? Tant de questions et ce doute qui m’assaille…

C’est en état de siège que je poursuis l’exercice. Sans doute devrais-je me sentir libre et remercier le ciel. L’ivresse de me savoir vivant à de quoi séduire. Elle le devrait mais je l’ai dit, j’ai vingt ans et je n’y parviens pas.

La foi adolescente, cette gaie et insouciante cécité s’est détachée de moi. Elle a cédé la place à l’analyse. Sombre réseau d’angoisse que mon quotidien de jeune con me sert en le comparant à hier. Captif d’un temps libre dont je ne sais que faire, je me refuse à ouvrir les livres. Trop douloureux. On y parle de promenades en forêt que je ne ferai pas, de baleines que je ne verrai pas, de neiges éternelles qui ne le sont plus et de figuier qui se meurt. Tant de choses qui me poussent à me constituer prisonnier.

L’avidité a fait le vide autours de moi. Un néant pour lequel j’emprunte des détours baroques afin de ne pas donner mon nom à ce jeune homme dont la peur me fait mal. Frousse inhérente à cette violence inouïe qui a cours à tous les étages. Si j’en crois les anciennes écritures, les fléaux qui s’abattirent sur l’Egypte semblent d’une modération touchante comparés à la menace qui gronde. Un combat contre la montre qui, si je laissais faire, me priverait du plaisir de boire à ces vingt piges retrouvées. Et pour le coup, question échec, ce ne serait pas rien…

– Frère de la côte si tu m’entends… Pace e Salute !

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