20. Apocalypse no…


Une rédaction décimée dans ses locaux, des policiers abattus dans la rue, des clients mitraillés dans une supérette cacher. L‘incrédulité de ces images, on la ressent encore.

Dans le chaos qui a suivi les attaques, il n’a pas été facile de se situer. L’urgence de neutraliser les auteurs de ces ignominies ne souffre aucun débat mais l’émotion qu’elles suscitent ne doit pas faire oublier la racine du mal.

Je ne suis pas Charlie et je vais vous dire pourquoi. Je ne suis pas ce slogan parce qu’il me commande d’être un autre, alors que j’ai déjà tant de mal à être ce que je suis : un français musulman.

S’il n’a échappé à personne que la mobilisation dans les rues de Paris fut unique, il n’en a pas été de même des motivations de la foule. Elles furent à mettre au pluriel. Un essaim d’anonymes, dont une partie au moins a pu être clairement identifiée et invitée à s’excuser d’être visible.

Fils d’immigrés – parfois même arrières petits fils – nous sommes nombreux à avoir grandit dans ces zones de sous-développement que sont désormais les banlieues. Des contrées si éloignées de l’idée qu’on se fait de l’Europe, que la plupart des gens perçoivent ceux qui sont nés là, comme autant d’immigrés.

En réalité, un pan entier de la jeunesse de notre pays se noie et on ne trouve rien de mieux… que de lui tendre à boire.

A force d’assimiler tout ce qui se tourne vers La Mecque pour prier à un terroriste, ou en faire un parfait connard histoire de mettre les rieurs de son coté, ne relève plus de la libre expression – n’est déplaise à Eric Zemmour, pour ne citer que le plus insignifiant – mais plus surement du harcèlement moral.

Occulter dans quel contexte on publie un article, un livre, où une caricature c’est faire preuve de peu de culture. La critique d’une catégorie de gens, ou d’une religion, ne peut faire abstraction du rapport dominant/ dominé, dans lequel elle est tenue, sans prendre le risque d’être complaisante à l’égard d’une doctrine raciste.

Certes la raillerie ne suppose pas de se faire tuer quand on en use. Que le polémiste et l’écrivain satirique se mettent en position de censurer les travers de leurs contemporains, fait partie du job. Mais insister, au point de ne plus se soucier de la souffrance qu’une moquerie répétée à l’envi contient envers ceux qu’elle vise, c’est se rendre coupable au regard du principe d’égalité. Que je sache, la liberté d’expression n’empêche pas la réflexion !

Lorsqu’en Norvège, un forcené massacre soixante-dix-sept ados, c’est un nazi de toute évidence. En revanche, rien dans ce qu’on a pu lire sur le sujet, ne permet de juger de quel Dieu il se revendique. Sans doute la schizophrénie paranoïde diffère t-elle, selon ses convictions religieuses. Détail, s’il s’avère exact, qui tendrait à prouver que l’itinérance de point de vue (de l’Esprit) n’existe pas.

Le rejet des quartiers et la violence sociale qui y règnent ont donc fini par engendrer des tueurs. Horrible, mais c’est un fait. Dans les ghettos que sont devenus les abords des grandes villes, le dépôt de bilan est une norme communautaire. Celui d’une contre-société qui connaît la crise depuis… le milieu des années soixante !

Une bombe à retardement que personne n’aura cru bon de désamorcer. Jugez plutôt : Un tiers des habitants de ces zones de relégation vit sous le seuil de pauvreté. Un quart est au chômage. Le retard qui y est pris à l’école est de 70% supérieur à la moyenne. Les contrôles d’identités s’y font systématiquement au faciès. Par ici, être arabe ou noir, multiplie d’autant « les chances » de se faire palper les couilles sur le capot d’une voiture de la Bac. Allez donc valoriser l’avenir d’un adolescent avec des stats pareilles !

En 2005, les émeutes de banlieues plaçaient le pays en état d’urgence. Elles brulaient loin des quartiers chics. Les commentaires ont eu alors beau jeu de stigmatiser le caractère délinquant de ces événements. Informés par le JT comme nous tous, nos tireurs d’élites politiques n’ont retenu que l’option sécuritaire pour régler le problème. Le résultat parle de lui-même. Dix ans après, c’est le Jihad qui s’invite en ville !

Morale de l’histoire : C’est en voyant un moustique se poser sur ses burnes qu’un homme sensé réalise que la violence ne règle pas tout….

(11 commentaires)

  1. La faible présence à LA manif de ces Français là – que beaucoup aurait voulu pouvoir comptabiliser, puisque minorité dite visible – nous dit plusieurs choses comme l’écrit très bien Benjamin Stora :
    – « D’abord, la crise du lien républicain, crise installée depuis plus de dix ans.
    Et dix ans très ; exactement après les émeutes de 2005, la fracture ne s’est pas résorbée. On en connaît l’origine : l’effondrement des idéologies collectives, le refuge dans le religieux comme idéologie de substitution aux engagements naguère menés par les gauches (politiques ou syndicales), les retards pris dans le regard porté sur le passé colonial, les crises des sociétés de culture musulmane prises entre des Etats autoritaires et des oppositions islamistes, la tragédie terrible des événements algériens des années 1990 juste après la chute du mur de Berlin, etc.
    Ajoutons la montée de l’antisémitisme et l’aggravation de la crise économique, avec près de 4 millions de chômeurs… »

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  2. Absolument cher HDM,

    J’ajouterai juste à vos remarques qu’on ne peut que se désoler de l’absence totale de représentants crédibles issus de l’immigration où supposée la représenter et parler en son nom parmi les élites de notre pays. Les spécimens que l’on nous propose sans qu’aucun de nous ai son mot à dire – à gauche comme à droite – de Malek Boutih, Najet Vallaud-Belkacem, Rachida Dati, Fadela Amaraou ou encore le très folklorique Hassen Chalghoumi… n’étant finalement préoccupés que par la transparence de leur propre parcours.

    Trajectoire qui va de paire avec l’impact d’un discours policé dans tous les sens du terme et qui, s’il lui arrive de croiser l’attention de la jeunesse désœuvrée de banlieue, ne le fait jamais qu’à l’image d’un tir de flashball en pleine gueule.

    Bref et pour conclure, donnons des moyens à l’école publique afin de préparer l’avenir des ces zones à taire et préférons l’approche d’un Plan Marshall plutôt qu’un Plan Vigipirate qui à terme, ne mènera nul part !

    Merci de vous faire le relais de ma modeste contribution à ce (vieux) débat rattrapé par l’actualité… fut-elle particulièrement triste !

    Moussa Dazi.

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  3. mousa
    je reste définitivement anarchiste ,je suis pour la liberté totale des mots et des actes,je suis contre toutes les religions ,contre l’armé, contre les croisés, qui a d’autres époques ont versé le sang partout ,je me refuse d’avoir peur ,je ne suis ni charlie ,ni touche pas a mon pote ,
    mais ces fusils ont tué mes dieux a moi ,wolinski cabu ,cavanna est parti l’année derniere d’ailleur je pensais te voir a l’enterrement , les derniers esprits libres de ce pays sont partie et ca me fait chier ,d’etre dans un pay ou la liberté d’expression n’existe plus depuis belle lurette et qu’ils faille un attendat pour faire descendre les gens dans la rue ,et ce qui me fait encore plus peur c’est notre règréssion face au siècle des lumières ,et ce retour des religions ,lobscurantisme mec
    ne me dis pas que toi avec ton phrasé et ton coté titi parisien francais toi qui a l’humour au bord des lévres ,toi qui aime les bons mots et la raillerie, tu en ai a penser qu’il faut faire attention a ce qu’ont dis pour ne pas froissssssssssssser son prochain ,pas toi moussa

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  4. Camarade,

    Je ne nie pas que la liberté d’expression soit un droit inaliénable, un principe qui autorise à émettre son opinion sur le sujet de son choix.

    Un droit donc, qui comme tout droit agit sous le contrôle de l’abus qu’on en fait. Ma chronique, ne fait jamais que sanctionner la sanctuarisation que certains médias en font oubliant au passage les travers que le pouvoir suppose. Tu auras noté, j’en suis sûr, que cette liberté publique – parmi les plus importantes – connaît des fondements plus ou moins élevés, selon les sujets qu’elles abordent…

    La Convention européenne des droits de l’homme ne dit pas autre chose en consacrant dans son article 10 la liberté d’expression par ces mots : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».

    Notes la pertinence du texte qui inclut de façon « visionnaire » la notion d’abus. Sans doute ses rédacteurs connaissaient-ils bien les Hommes… Et ouais camarade, un droit s’accompagne de devoirs. Dur à admettre pour un Anar, mais je te rassure, c’est précisément ce fondement de la démocratie qui te permet d’être qui tu as envie d’être.

    Pétrir mes phrases de « je » sans jamais céder la place au « tu » n’est pas une constante culturelle chez moi. On ne se refait pas. j’ai grandi au milieu d’une fratrie qui m’a appris à jouer des coudes. J’en ai gardé le gout de ruer dans les brancards.

    Aussi, à l’image d’un Cabu, d’un Tignous ou d’un Wolinski – pour lesquels j’ai la plus profonde tendresse – je me défends d’être politiquement correct et ne peux me résoudre à leur chier sur la gueule en assimilant le fonctionnement de cette liberté à un concept devenu (lui-aussi !) si « sacré » qu’il en devient étanche à la critique.

    Respectueux de ne pas « froisser mon prochain » ET ardent défenseur de la liberté d’expression sans y voir de contradiction, j’assume le risque de susciter ton incompréhension.

    Au plaisir companero 😉

    Mwa

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  5. En aucun cas on peut justifier le crime,la religion est une affaire personnelle,au lieu de jeter la faute sur les autres ,il faut faire aussi son méaculpa,les gens issus de l’émigration en France ont eu aussi des facilités,il avaient accès à l’école aux soins à des logements choses qu’ils n’auraient peut être pas eu dans leurs pays si ils étaient resté, la France est un pays laïque est c’est au musulmans de respecter ça,oui on peut rire de tout,le Prophète n’attend pas des musulmans de le défendre mais d’être honnête est être à jour dans le monde dans le quel ils vivent,et c’est aux parents d’inculquer les vraies valeurs, la morale,et le respect des autes

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  6. En tant qu’être humain sensé, je condamne toute forme de violence. Ma chronique ne dit pas autre chose. Cependant, ma curiosité m’oblige. Passée l’émotion suscitée par ces horreurs, j’ai cherché à comprendre comment en sommes nous arrivé à livrer une partie de notre jeunesse aux mains de manipulateurs.

    Pour lutter contre ce phénomène, je conviens que cela passe aussi par une attention accrue des parents. Mais également par le développement d’une véritable intelligence de proximité qui fait défaut. De sorte que ces jeunes en situation de fragilité sociale, n’aient plus recours à cette nouvelle forme de « suicide » (leurs aînés ayant eu la drogue) qu’est le « jihad ».

    Concernant la gestion de ces « populations », je constate qu’elle reste surtout marquée par une stratification socio-raciale singulière héritée de l’époque coloniale. En témoigne votre « les gens issus de l’émigration en France ont eu aussi des facilités, il avaient accès à l’école aux soins à des logements choses qu’ils n’auraient peut être pas eu dans leurs pays si ils étaient resté »

    Cet état de chose montre la complexité des relations conflictuelles fondées sur une construction ethnico-religieuse entre différents groupes. Un état qui interroge, d’une part, la persistance de défaut d’examen de notre histoire commune dans ces relations et, d’autre part, leur évolution dans la notion de vivre ensemble.

    Dans ces conditions, si dans sa majorité, cette « sous-population » de français vit refermée sur elle-même, ce n’est pas (je sais de quoi je parle !) d’être réfractaire au métissage…

    Quoi que vous pensiez, les stéréotypes et les préjugés attachés à l’origine et à la confession, sont toujours opérants dans notre espace public. Et le pouvoir civil ne peut prétendre à y tenir des gens en marge au motif de laïcité. L’opportunisme de ce concept à d’ailleurs ses limites calendaires puisque le gros de nos fêtes, témoigne de la persistance du fait religieux… même si pas une de ces fêtes que l’on célèbre à l’unisson n’est juive ou musulmane.

    En conclusion Kari, aidez moi donc à devenir ce « bœurgeois » que j’aspire à être 😉

    Mwa.

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  7. je viens de prendre connaissance de cet article que j’ai lu avec beaucoup d’attention et que je trouve révélateur d’une situation difficile et désastreuse que vivent les jeunes issus de l’immigration dans les banlieues pourtant contrairement aux préjugés, je constate quotidiennement de part mes fonctions professionnelles que bon nombre d’entre eux s’accrochent et veulent s’en sortir
    certains de ces jeunes parviennent à faire des études brillantes et réussissent leur cursus universitaire et d’une manière plus générale leur vie professionnelle mais de ceux là personne n’en parle…tout cela mène à de la révolte, de l’incompréhension et malheureusement à de la violence

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  8. 10 mai 2015
    Je viens de la part de qui vous savez.
    Dommage que vous n’alimentiez plus votre blog.
    D’autre part, vous (?) m’avez bloqué sur votre compte Twitter. Là aussi c’est dommage mais je pense que c’est un court-circuit electronique.
    A bibientôt donc.

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  9. Bloqué ?? Sans doute pas intentionnellement. Vous m’en voyez navré. Je regarde comment réparer les choses. Par ailleurs, j’ai eu la chance de decouvrir votre plume par « je sais qui » 😉 et si votre style m’a beaucoup plu, le fond de vos textes m’a touché tout autant. Ne boudons pas notre plaisir, je suis fan !

    Pour ce qui est de mon blog, je l’avais un peu mis de côté pour des raisons purement techniques (encore)… Cela tout en continuant à noircir du papier, tant les sujets sur lesquels je ressent le besoin impérieux de me lâcher se font nombreux ces derniers temps. En fait, j’écris comme je peins, soit toujours en colère et le poing levé vers le ciel 😉

    Amicalement,
    Moussa Dazi

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