22. Tattoo compris…


Il existe dans l’inconscient une passion pour l’esbroufe. Une addiction collective autant qu’intime. Le tatouage en est un exemple éloquent. Un art du paraître qui laisse des traces…

Le prix pour s’acquitter de ce purgatif est à la hauteur de ce que la peur de se sentir seul suscite en nous. Poussé à montrer qu’on existe, on écrit et se dessine à même la peau. Bien sûr, on s’en défend mais au fond on sait tous que c’est pour l’autre qu’on s’y applique.

Qu’il s’agisse d’une ligne bâclée au courage par un ado brouillon ou de l’estampe raffinée piquée à prix d’or sur la hanche d’une belle héritière, tout est bon pour qu’on nous remarque.

Tantôt poétiques et ponctués de saintes papelardises, tantôt roulant sous les tambours, les signes dont on se fait l’écrin, n’ont rien d’anodins. Bien avant Internet, la tattoo-mania renfermait la promesse de se situer de façon plus où moins originale dans la société. Ne serait-ce qu’en donnant à nos fantasmes une incarnation à laquelle le web ne peut rien.

Figuratif ou stylisé, le tatouage n’a pas toujours été cette joute à laquelle on s’adonne par épidermes interposés. Il fut aussi, l’instrument obscur par lequel on œuvra à barrer d’infamie quelques fragiles. Matriculant un avant-bras ici, ferrant là une épaule, l’histoire abonde sur le sujet.

Au point que la mauvaise réputation que traîne le tatouage fini par ressembler à une invitation lancée à nos douleurs à-venir.

Une fois son rang recouvré, l’homme de l’art à nouveau fréquentable, s’avère aussi indispensable à nos mœurs citadines, qu’une tondeuse à barbe pour un animateur télé.

Il n’y a qu’à voir le nombre impressionnant de convertis que la spécialité inspire. Exit le poids d’une morale rigoureuse. Désormais, il suffit de le vouloir pour sacrifier à la mode.

La star du porno et le footeux qu’un statut de rock-star oblige, ont été les apôtres de cette renaissance. Phénomène qui depuis envahit tout, tel un tsunami sur la ville.

Au point que j’ai du mal à y retrouver mes repères…

L’épaule de ma boulangère, dont la blancheur immaculée m’avait jusque-là échappée a fini elle aussi par se muer en sanctuaire colorié et ouvert à tous. Que dire alors de ces chamans couvert de glyphes Maori ? Guerriers bidons que l’on entend ahaner sous la fonte d’un club de fitness ? De ce cadre grisonnant, qu’une cravate mal ajustée, laisse deviner les stigmates radicaux d’une autre vie ? Ou encore cette timide, dont la cheville entrelacée de deux Vénus, nous renseigne quand aux passions qui la tourmentent ?

Partout où ils se posent, nos yeux sont assaillis de messages. Une pression qui pousse à conseiller de ne rien tenter d’indélébile si l’on entend se distinguer. Le tatouage est devenu cette mignardise dont l’objectif est d’attirer l’attention sur un produit que l’on veut fourguer sans plus de contact avec l’autre.

«Je hais les objets que l’on regarde comme le produit des arts, exilés des relations humaines qui leurs donnaient une pleine signification», pestait Balandier.

C’est bien là l’écueil de cette entreprise d’uniformisation à laquelle nous contraint le miroir. L’expression qu’il suggère ne fait que confirmer nos propres limites. Et la chose interpelle tant l’envie d’exister résonne en nous. Un cri que l’on exprime lèvres closes à ce monde que l’on a dans la peau, telle une foule qui nous traîne et entraîne…

– Qui s’élance… Et qui danse… Une folle farandole…

 

 

(1 commentaire)

  1. Bonjour Moussa, C’est tout à fait ça !!

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